Appel à publications. Anthropology & Materialism. A Journal of Social Research, n°5 (2026). Politique et mystique dans la parole féminine 28.02.2026

Appel à contributions
Anthropology & Materialism. A Journal of Social Research, n°5 (2026)
Politique et mystique dans la parole féminine

 

Anthropology & Materialism. A Journal of Social Research, revue internationale et interdisciplinaire dédiée aux pensées critiques, lance un appel à publication pour son cinquième numéro sur « Politique et mystique dans la parole féminine », à paraître en 2026.
Ce numéro propose d’explorer la tension entre engagement politique et intériorité mystique dans les écrits de femmes, de l’époque médiévale à nos jours. Partant du manifeste Ma loi d’avenir (1833) de Claire Démar, où surgit la figure de la « femme-messie », il s’agira d’interroger la manière dont la parole féminine articule utopie sociale, expérience mystique et volonté de transformation politique.
Sont bienvenues des contributions portant sur des figures individuelles (par ex. Simone Weil, María Zambrano), des mouvements collectifs (béguines, saint-simoniens, romantiques, marxistes, écoféministes, etc.) ou des approches thématiques. Des traductions inédites de textes jetant une nouvelle lumière sur la question sont également les bienvenues.

Prière de remettre les articles (max. 50.000 signes) à l’adresse électronique am.issue2026@gmail.com avant le 28/02/2026 pour qu’ils puissent ensuite être évalués par des experts anonymes. Les articles peuvent être rédigés en français, en anglais, en allemand ou en espagnol.
Pour les consignes de présentation des manuscrits, veuillez suivre nos directives aux auteurs dans le lien suivant : https://journals.openedition.org/am/399.

Argument :

Le point de départ de ce numéro est le manifeste Ma loi d’avenir (1833) de Claire Démar, une protoféministe du début du XIXe siècle. Sa parole fait émerger une figure d’espoir féminine issue de l’alliage de l’utopie sociale et de la religion saint-simonienne : la « femme-messie ». Elle pose l’alternative entre une réforme de la société à partir d’une critique politique de la culture de l’amour, et un dépassement mystique du mariage civil prenant pour point de départ l’intime.
À partir de Démar, l’appel à contribution porte sur l’articulation – rarement étudiée jusqu’ici – entre volonté politique et impulsion mystique dans les écrits et la parole de femmes. Celle-ci doit être située au sein de la longue tradition remontant au Moyen Âge, lorsque les deux pôles du christianisme – d’un côté le salut individuel de l’âme, de l’autre les communautés utopiques ou eschatologiques – s’unissent en un mouvement révolutionnaire où la mystique spirituelle intérieure devient « une flamme dévorante qui se tourne vers l’extérieur » (J. Taubes). Néanmoins, la mystique ne renvoie pas seulement à la religion, mais peut être également pensée en termes de corporalité, comme le suggère Walter Benjamin dans une note de Paris, capitale du XIXe siècle. Le livre des passages (a 1, 2).
Ce numéro invite donc à réfléchir sur divers enjeux esthétiques, politiques, sociologiques et anthropologiques d’un tel clivage traversant la parole féminine. Les contributions élucideront, entre autres, la question de savoir si la mystique – et les notions qui lui sont connexes, comme le mystère, la souffrance, la beauté et l’amour métaphysique – est un terrain fertile pour l’expression féminine, ou si cette dernière se dirige nécessairement vers la sphère politique investie par le pouvoir, le savoir et le vouloir. Dans ce champ s’inscrivent les principales avancées du féminisme matérialiste : l’égalité entre les sexes, la déconstruction du mariage, la libération de l’amour, un soutien social pour les mères, l’ouverture de la sphère du travail, etc. Or, cette nouvelle anthropologie – devenue dominante au XIXe siècle – qui repose sur l’idée que nous sommes, avant tout, des individus sociaux en quête de bonheur, entraîne la société entière dans le vortex des mots d’ordre de l’utopie industrielle : le progrès, la croissance, la productivité et la consommation. Dans quelle mesure une parole féminine peut-elle puiser dans l’expérience mystique pour insuffler une nouvelle vie à l’utopie sociale ?
Les questions abordées dans ce numéro concerneront les tensions entre mystique et politique au sein d’une pensée, d’une parole et d’une action féminine au sens large. Comment aborder dans ce contexte des mouvements utopiques ayant fortement mobilisé des femmes, comme les béguines, la mystique féminine du Moyen Âge, le saint-simonisme et le fouriérisme, les romantiques, les révolutionnaires du Vormärz, les marxistes ou, de nos jours, l’écoféminisme ?
Les articles peuvent se concentrer sur une vie de militante en particulier, traiter d’une sororité politique ou religieuse dans sa globalité, ou encore étudier l’écriture et la pensée d’une œuvre prise pour elle-même, sans exclure une approche thématique. Des traductions de textes peu connus jetant une nouvelle lumière sur notre question sont également les bienvenues.
Les questions suivantes pourront être abordées :
Peut-on mettre en évidence une manière féminine de résoudre les contradictions entre la mystique et l’utopie sociale, l’individu et le collectif, l’écriture hermétique et la publicité, la solitude et le souci pour le monde ? Est-ce qu’on peut parler d’une lecture féminine de l’articulation du lien théologico-politique et en quoi se distingue-t-elle des lectures traditionnelles ?
Comment approcher l’élément mystique ? Dans quelle mesure est-il fécond pour la réflexion politique et dans quelle mesure est-il contradictoire avec celle-ci ? Trouve-t-on au-delà du christianisme des exemples de parole féminine se déployant entre élan mystique et action politique ?
Peut-on parler dans certains cas d’une mystification de la politique et dans d’autres d’une politisation de la mystique ? Quels sont les arguments et les mécanismes décisifs qui font pencher tel mouvement des femmes tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ? Quelles en sont les conséquences sur le mouvement des femmes ?
Des figures telles que la femme-messie, l’androgyne ou la femme nouvelle, telles qu’elles ont été imaginées par différents mouvements – du romantisme au saint-simonisme ou au socialisme soviétique – libèrent-elles des rêves enfermés dans la matière ou peuvent-elles se tourner vers l’intérieur ?
Dans le Livre des passages, Benjamin met Claire Démar en rapport avec le « matérialisme anthropologique ». Qu’est-ce que cela dit de la tension entre mystique et politique ? Peut-on interpréter d’autres autrices à l’aune de cette tradition, comme Simone Weil ou María Zambrano ?

 


 

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