Appel à communications. Colloque. Colegio, Colégia, Collège : Nomes e modos da amizade / Nombres y modos de la amistad / Noms et modes de l’amitié. 4, 7 et 9.07.2025
Appel à communications
Colloque organisé par les Amis sud-américains du CIPh
En partenariat avec le CIPh
Colegio, Colégia, Collège :
Nomes e modos da amizade
Nombres y modos de la amistad
Noms et modes de l’amitié
Dates :
Vendredi 4 juillet 2025
Lundi 7 juillet 2025
Mercredi 9 juillet 2025
Lieu :
Talca, Santiago, Valparaiso
Organisé par :
Gustavo Chataigner, Claudia Giutterez, Gustavo Celedón et Lorena Souyris
Propositions à envoyer avant le 15 mars 2025 à Lorena Souyris Oportot :
lsouyris@ucm.cl
Argumentaire :
La philosophie, au moins au sens propre ou littéralement, est l’amitié ou l’amour de la sagesse. Pourtant, il faut se demander d’où vient la connaissance et ce qui la légitime ou non. L’amitié occupe une place centrale dans la pensée d’Aristote, notamment dans son ouvrage L’éthique à Nicomaque. La Philia est la vertu centrale de la vie bonne et donc un élément de l’eudemonia. Selon le Stragirite, il existe trois types d’amitié : selon l’utilité, le plaisir, et la vertu. Alors que la première s’établit entre des individus qui projettent des avantages mutuels résultant de la relation, donc temporaire, la seconde se produit lorsqu’il y a du plaisir à jouir de la compagnie, ayant une nature immédiate et tout aussi éphémère, lors de la diminution de ce plaisir. Enfin, l’amitié d’après la vertu. Celle-ci est rare et s’établit par la reconnaissance et l’admiration mutuelles intersubjectives. Grosso modo, l’amitié dans la pensée classique est une vertu qui dépasse l’échelle individuelle, se prêtant à la construction de la cohésion de la polis.
Or, s’il s’agît là des qualités de l’amitié, ou de prédictions possibles, quelles en seraient les causes, ou comment est-elle en acte ? En d’autres termes, comment se manifeste-t-elle ? Et si elle est trans-personnelle, comment fonctionne-t-elle ? Sans s’attarder sur une origine grecque, il faut penser la rencontre comme une puissance.
Dans le commentaire de Marilena Chaui sur l’oeuvre de La Boétie, l’amitié est une critique de la domination, car elle se fonde sur l’égalité et la réciprocité comme formes de la vertu. Elle révèle ainsi une dimension politique du refus de la servitude. Si l’identification au tyran implique la perte de liberté des individus pris dans les mailles du pouvoir, l’amitié opère comme un contre-pouvoir, puisqu’elle interroge les rôles joués par les acteurs impliqués et la nature de leurs passions. Avec l’autre, on peut être autonome.
Les séminaires proposés par Jacques Derrida, notamment dans les années 1990, sur l’hospitalité permettent de repenser la question du lien social au-delà des essences identitaires et de la domination, dont l’aboutissement peut conduire à la servitude volontaire. En prônant une hospitalité absolue ou inconditionnelle, le philosophe franco-algérien est confronté à une série d’apories, puisque l’inconditionnalité effacerait l’identification, la parole, la rencontre et l’interpellation. Comment atteindre enfin l’autre ? C’est pourquoi il faut penser des horizons inclusifs dans des contextes spécifiques, conduisant à l’exercice de l’écoute dans des espaces locaux de liberté.
Dans l’enchevêtrement des appartenances, des fuites, des mémoires et des errances, à l’heure des grands mouvements mondiaux d’immigration, l’un des défis auxquels nous sommes confrontés est la réinterprétation et surtout la réintériorisation des différences - car les sociétés produisent et reproduisent des notions d’altérité.
Cela dit, l’hospitalité, si l’on veut bien sortir de la triste (et violente) figure des chevaliers croisés et des impératifs actuels d’un certain idéal de ladite république européenne et d’une prétendue unité des pays du Sud, est une éthique de l’attention et de la responsabilité envers l’autre, une déclinaison de l’amitié en acte.
Ne pensons pourtant pas qu’on adopte ici une perspective morale, et donc naïve, de ce que peut être l’amitié. Par analogie avec l’amour, dont il faut immédiatement écarter la perspective romantique, il y est question de la lutte pour la durée d’une relation de confiance, toujours conditionnelle et exposée à la contingence. On pourrait dire que dans l’amitié, l’inimité habite l’intérieur. En d’autres termes, l’amitié n’est pas toujours présente et disponible - ni pour soi-même ni pour l’autre.
L’autre de l’amitié évoque le thème de l’inimité et de l’ennemi. La pensée de Carl Schmitt fonde la politique dans le domaine ontologique, par opposition au domaine objectif, dans la distinction entre ami et ennemi. Cette configuration se produit dans une condensation d’un ordre identitaire qui répond avec violence aux mouvements extérieurs, ressentis et compris comme une menace.
C’est peut-être pour cette raison que nous pouvons enfin parler d’une poétique de l’hospitalité, intempestive et créative, en ce qu’elle remet en question les frontières entre les genres, les langues et les cultures, en cherchant à créer des espaces de rencontre et de dialogue, où les différences et les voix diverses sont accueillies et respectées.
Pensons aussi à la singularité absolue de la rencontre amoureuse, capable de subjectiver les amants et par conséquent de les universaliser, de les faire sortir d’eux-mêmes en les changeant et en les faisant habiter un autre monde. L’événement amoureux et psychique, selon l’interprétation d’Alain Badiou menée par Norman Madarasz, est déjà un partage d’un monde créé à deux. En d’autres termes, l’hypothèse communiste n’est pas un au-delà utopique, mais une compossibilité d’une vérité immanente.
Notre premier colloque, qui a toujours déjà commencé, sera consacré à débattre des noms, des gestes, des vitesses et des itinéraires de l’amitié. Célébrant l’amitié entre penseurs et penseuses d’Amérique latine et d’Europe, médiatisée (entre autres éléments) par le Collège international de philosophie après ses 40 ans et la création de l’Association des Amis latino-américains du CIPh, notre désir le plus vif est de faire circuler les idées et les personnes dans la cosmo-polis d’une communauté toujours à venir et en action ici et maintenant, alimentée par l’esprit novateur et critique du Collège.
Autour de tables thématiques, nous débattrons des généalogies et des virtualités de l’amitié, dans un contexte d’agression de l’être ensemble sans intérêt, où l’on assiste à l’exclusion et à l’anéantissement des pauvres, des noirs, des peuples originaires et des LGBT par la mobilisation des affects identitaires.
Vous êtes tous/toutes plus qu’invité-e-s.