Appel à communications. Colloque Jacques Rancière et la Démocratie 3-5.10.2024

Appel à communications
Colloque
Jacques Rancière et la Démocratie
 
Présentation
L’éloignement grandissant du sujet de la participation politique dans les démocraties contemporaines, que ce soit au niveau des suffrages électoraux par l’expression du vote, que ce soit au niveau de l’engagement associatif et syndical et, de manière générale, que ce soit au niveau des activités militantes décrit un phénomène en forte progression au XXIe siècle. Cela génère une préoccupation pour laquelle on peut faire appel à l’œuvre politique de Jacques Rancière et à la contribution de ce dernier à la théorie démocratique. La théorisation et la critique de la démocratie, telles qu’il l’aborde, explicitent tout particulièrement la promotion des pratiques libérales, la logique consensuelle et majoritaire esquivant l’attente égalitaire de la communauté et la valeur primordiale du peuple. Laquelle valeur risque d’être abîmée par l’intensification constante du discours qui revendique le pouvoir du petit nombre sur le grand nombre. Ainsi, l’encadrement de ce désintérêt, selon les explications que nous venons de donner, nous invite à mettre particulièrement en discussion l’avenir de la démocratie.
 
Argumentaire
La démocratie renvoie à une réalité et sa vérité réside dans le démos, ce qui ne saurait être encadré sans une idée claire de la communauté et de l’égalité. En fait, de la démocratie grecque à la démocratie moderne, l’organisation collective et la posture de l’égalité révèlent la configuration de cet énoncé. Dans Aux bords du politique (1990), Jacques Rancière fait l’analyse de la démocratie moderne et met en lumière la sortie de la démocratie de ses origines révolutionnaires. Ce qui a permis de comprendre la nouvelle gestion de la communauté et le retrait de ce qu’on entendrait comme une sorte d’égalité renversante. Il critique la démocratie de consensus et le régime majoritaire où la priorité n’est donnée qu’à l’équilibre économique et social de la communauté en permettant d’exploiter toutes les difficultés que courent l’égalité collective. Essence de la démocratie, le démos ne saurait être séparé de lui-même et son objectif égalitaire. Alors que le désintérêt face à la participation et à l’engagement citoyen présente la rupture de l’égalité collective en mettant en épreuve « la communauté démocratique » [Gallimard, p. 51]. Ainsi, il met en avant une pensée de l’art politique qui permet de saisir la gestion de la multitude et une idée de la démocratie en tant que style de vie proposant une autre façon de comprendre le rassemblement politique [Ibid., p. 15]. Si l’on peut à partir de Jacques Rancière parler d’une égalité fracassante, la question de l’égalité lui est chère depuis Le Maître ignorant (1987) où il évoque l’idée d’une égalité des intelligences qui d’un autre côté nous a fourni les moyens en vue de reconsidérer l’émancipation politique.
Ensuite, la séparation de la communauté politique et la rupture de l’égalité collective cache quelque part ce qu’on peut désigner comme un conflit ou une division politique. Même s’il est clair que l’éloignement du sujet n’aura pour effet que de partager la communauté et de rompre l’égalité. La Mésentente : Politique et Philosophie (1995) apporte les éléments d’explication de ce conflit. La démocratie consensuelle se trouve en face de ses illusions. Les droits démocratiques au fondement de l’agir politique s’échappent au contexte de la démocratie véritable. Rancière estime que l’organisation proposée par ce modèle implique la renonciation de la démocratie en tant que pouvoir du peuple [Galilée, p. 136].
Le devoir de l’homme démocratique véritable implique une prise en compte de tous. Ce qui fait de la participation politique actuelle le lieu d’un paradoxe où le démos peut même être jugé ne pas être lui-même, alors que la véritable démocratie traduit une expression populaire conforme aux désirs de chacun. Le discours contre l’horreur totalitaire semble cacher la descente vers l’irréalisme et l’illusion démocratique des droits de l’homme. Dans La haine de la démocratie (2005), la critique de la démocratie montre ce refus de l’expression populaire et des mœurs du peuple qui peut être analysé dans les termes d’une citoyenneté révoquée. En conséquence, la catastrophe de la civilisation démocratique semble provenir de ce refus, car la démocratie ne peut être victorieuse sans le peuple.
Enfin, il semble nécessaire de redéfinir la communauté politique afin de prendre en compte toutes les formes d’expressions du peuple. En tout cas, d’un point de vue politique, c’est ce que propose Le spectateur émancipé (2008). Dans ce texte, il fait mention d’ une communauté juste qui relate l’idée d’une société où le principe collectif s’incorpore dans « les attitudes vivantes de ses membres ». Dans le contexte du théâtre et de la constitution esthétique, la communauté se définit comme étant la manière « d’occuper un lieu et un temps, comme le corps en acte opposé au simple appareil des lois, un ensemble de perceptions, de gestes et d’attitudes qui précède et préforme les lois et institutions politiques » [La fabrique, p. 12]. Cette considération englobante demande l’évitement de toute forme d’altération et de détournement de la communauté politique et particulièrement de la communauté démocratique. Car, l’oubli du peuple comme incarnation du pouvoir démocratique, le martèlement populiste des complexités et la montée des expertises ne peuvent qu’occasionner « la démission collective » [La fabrique, 2022, p. 147]. D’où l’intérêt de l’une des propositions de Les Trentes Inglorieuses (2022) qui insiste sur la préservation nécessaire de l’entité populaire dans toutes ses facettes, dans toutes ses préférences et dans toutes ses capacités collectives surtout en tant que véritable concernée du discours et de l’activité politique.
 
Modalités de soumission
Ce colloque aura lieu du 03 au 05 octobre 2024 à l’Université Paris 8, Vincennes à Saint-Denis, à la salle MR002 de la Maison de la Recherche. Les contributions sont attendues par courriel (manif.scientifiques@gmail.com) au plus tard le 05 mai 2024. Elles doivent être formulées entre 400 à 500 mots. Les écrits validés seront annoncés un mois après, les personnes dont les projets sont retenus doivent acheminer leurs textes dans un délai de trois mois, soit le 05 septembre 2024. Les contributions feront l’objet d’une publication collective au mois de mai 2025.
 
Comité d’organisation
Cohen-Halimi Michèle (PU), Université Paris 8, Vincennes à Saint-Denis (LLCP).
Jacinthe Fodnot, Docteur en Philosophie de l’Université Paris 8, Vincennes à Saint-Denis (LLCP).
Ogilvie Bertrand (PU émérite), Université Paris 8, Vincennes à Saint-Denis (LLCP).
Waks Tabacof Jonas, Docteur en Philosophie de l’Université de São Paulo (FE-UBP).
 
Comité scientifique
Donato Elena (Enseignante-chercheure), Université de Buenos Aires (FFL).
Dorismond Edelyn (PU), Université d’Etat d’Haïti (UEH-CHCL).
Greco Maria Beatriz (PU), Université de Buenos Aires (FFL/IRSE).
Ogilvie Bertrand (PU émérite), Université Paris 8, Vincennes à Saint-Denis (LLCP).
Sánchez Alfredo (Chercheur), Université Complutense de Madrid (UCM/Facultad de Filosofía-GINEDIS).
Vermeren Patrice (PU émérite), Université Paris 8, Vincennes à Saint-Denis (LLCP).