Séminaire. La construction de la conscience démocratique. Logiques de la domination et de l’émancipation. 2ème semestre 2024-2025
Séminaire 2024-2025
La construction de la conscience démocratique. Logiques de la domination et de l’émancipation
Organisation : Blaise BACHOFEN, CY Cergy Paris Université, LEJEP – EA 4458 et Leonardo O. MOREIRA, Université Paris 8, LLCP – EA 4008
Le processus que Tilly (2007) nomme « dé-démocratisation » affecte aujourd’hui la démocratie jusque dans ses modalités minimales : l’État de droit et l’acceptation des verdicts du suffrage universel. Les problématiques qui en découlent conduisent à interroger la dépolitisation, mais aussi la « mauvaise foi de l’institution » (Bourdieu, 1993) : les avancées et les régressions démocratiques doivent être envisagées à la fois par le bas – les variations de l’appétence des citoyens pour la vie politique, les causes de leur désaffection – et par le haut – les institutions comme outils de domination ou au contraire de libération.
Comment se forme la conscience démocratique ? Quelles sont les conditions théoriques et pratiques d’une émancipation politique ? Quelles sont les transformations des rapports aux institutions, y compris aux « institutions invisibles », notamment économiques et scientifiques (Rosanvallon, 2024), qui permettraient d’inverser la logique du désinvestissement politique et de transformer la défiance, les souffrances et les exaspérations en prise de conscience des enjeux politiques de la domination ? Quelles sont les difficultés posées par la compréhension des enjeux de la décision politique, ceux-ci devant être appréhendés à large échelle et sur le long terme, mais aussi par la maîtrise de l’action permettant la construction d’« une démocratie véritablement inscrite dans la vie quotidienne » (Jappe, 2017) ? Est-ce une question de connaissance des institutions, de culture politique, d’acquisition des outils de la délibération et de la décision collectives ? Faut-il incriminer le caractère à la fois « hyper-représentatif » et donc « hypo-représentatif » des démocraties contemporaines – la « représentation » étant tellement éloignée des citoyens qu’elle est perçue comme une quasi-oligarchie, mettant la décision politique hors de portée ? Si l’on considère, avec Dupuis-Déri (2013), que les démocraties modernes ont été fondées par des penseurs et des acteurs politiques foncièrement antidémocrates, le dysfonctionnement démocratique pose la question de la responsabilité des institutions et des acteurs institutionnels. Le travail sur la « crise de la démocratie » doit de ce point de vue éviter de tomber dans le piège de l’instrumentalisation.
La menace du spectre de l’illibéralisme brandie par des « démocrates sans idéal démocratique » (Gentile, 2019) peut relever de la pure rhétorique. La crainte légitime suscitée par les phénomènes de régression de l’État de droit est souvent utilisée pour neutraliser toute critique sérieuse d’un conservatisme autoritaire qui se présente paradoxalement comme le seul rempart de la démocratie. De ce point de vue, on peut identifier, aux sources de la régression démocratique, une sorte de néo-nominalisme disjoignant la réalité démocratique de son essence : l’exercice effectif du pouvoir par le peuple. Penser les conditions de préservation d’un minimum de démocratie impose peut-être de réinvestir l’exigence d’une démocratie maximale, exigence dont la puissance utopique peut être considérée comme la seule façon réaliste de reconstruire (ou de construire enfin) la démocratie.
Ce cycle de séminaires n’a pas pour objet de proposer des solutions simples, encore moins purement techniques, aux problèmes complexes que posent les (mal)formations de la démocratie. Car ce à quoi il faut faire face n’est pas seulement la désillusion qui a suivi l’optimisme suscité par des épisodes de démocratisation partielle ou apparente – la fin des années 1980 et la chute des dictatures soviétiques et de l’apartheid en Afrique du Sud, les « printemps arabes » dans les années 2010. Il s’agit d’explorer les formes possibles de construction d’une conscience démocratique émancipatoire et de déconstruction des faux-semblants et des illusions dont se nourrissent les désillusions politiques et, en définitive, la tentation du renoncement. On se demandera notamment dans quelle mesure les notions de « démocratie sauvage », de « démocratie insurgeante » ou de « démocratie radicale » (Lefort, 1971, 1999, Abensour, 1997, Laclau et Mouffe, 2001), et leurs modalités d’expression contemporaines – par exemple collectifs informels du type ZAD ou luttes de peuples autochtones pour leurs droits – peuvent offrir des modèles de régénération de la vie démocratique.
Blaise Bachofen, blaise.bachofen@u-cergy.fr
Leonardo O. Moreira, leonardo.oliveira-moreira@univ-paris8.fr
Programme
Mardi 28 janvier, 15h-17h, Université Paris 8, Salle A2 202
Sandra Laugier (Université Paris 1 / ISJPS) :
« La conscience démocratique et la désobéissance civile »
Répondant : Diogo Sardinha (Université de Lisbonne / CFUL – LLCP)
Mardi 25 février, 14h-16h (lieu à préciser)
Susana Villavicencio (Université de Buenos Aires / IIGG) :
« La démocratie argentine : une société privée du public ? »
Répondant : Andrés Goldberg (Université Paris 8 / LLCP)
Vendredi 21 mars, 15h-17h (lieu à préciser)
Emmanuel Picavet (Université Paris 1 / ISJPS) :
« Crise démocratique et figures du compromis »
Répondante : Isabelle Aubert (Université Paris 1 / ISJPS)
Mardi 20 mai, 14h-16h (lieu à préciser)
Édouard Jourdain (Université Catholique de l’Ouest / CESPRA) :
« Pour une démocratisation de la diplomatie »
Répondant : Nicholas Saul (Sciences Po Paris)
Présentation, argumentaire et bibliographie indicative (PDF)
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