Spinoza à Paris 8. Séminaire International et Interdisciplinaire de Recherches Spinozistes 2023-2024

Spinoza à Paris 8
Séminaire International et Interdisciplinaire de Recherches Spinozistes
Programme 2023-2024
 
 
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La figure de Spinoza a été présente dès l’origine de la création de l’université de Vincennes. Spinoza était pour Deleuze « le Christ des philosophes ». Badiou accorde une grande place à la clôture spinoziste du fini et à l’extériorité spinozienne de la mort dans L’immanence des vérités. La confrontation des thèses de Foucault et de Spinoza est maintenant de mieux en mieux instruite. La réflexion de Rancière sur les « mécomptes » démocratiques, ou les analyses de Lyotard (par exemple dans Pourquoi philosopher ?) croisent, rencontrent, discutent, les thèses de Spinoza. L’ambition du Séminaire, conformément à l’orientation contemporaine et internationale de l’université de Paris 8, est de montrer comment la philosophie de Spinoza continue à offrir une ressource de pensée dans tous les champs du savoir, de la pratique et de la création.
 
 
JEUDI 16 NOVEMBRE 2023
18h-20h, Université Paris 8, Maison de la recherche, salle A2 204
Pascal SÉVERAC
« Enfance et renaissance chez Spinoza »
 
L’enfance n’est pas une thématique centrale de la philosophie spinoziste. Longtemps d’ailleurs les études sur Spinoza n’y ont guère porté d’attention : il était admis que l’enfant faisait partie, avec le suicidaire, l’imbécile ou le fou, de ces figures de l’impuissance qu’il est difficile d’« estimer », dont on peut difficilement mesurer la positivité et expliquer la nature. Un travail, cependant, a fait exception dans le champ des études spinozistes, qui a revalorisé cette thématique excentrée du spinozisme : celui de François Zourabichvili (Le conservatisme paradoxal. Enfance et royauté chez Spinoza, PUF, 2002), qui a pour ainsi dire constitué le dossier de l’enfance chez Spinoza. Il l’a ouvert sans toutefois, selon nous, l’avoir clos, et c’est pourquoi nous aimerions poursuivre l’enquête. L’« enquête » est en effet la méthode que nous utilisons : nous tentons, en partant à la recherche d’indices découverts dans différents textes de l’œuvre de Spinoza, notamment dans l’Éthique, de construire ou reconstruire ce que pourrait être une théorie de l’enfance chez Spinoza. Cette enquête cherche à savoir si cette philosophie ne nous donne pas finalement, chemin faisant, les moyens d’estimer l’enfant, c’est-à-dire de définir ce qu’il est, quelle est sa nature, mais aussi de déterminer ce qu’il peut, quelle est sa puissance et son devenir possible. Nous verrons alors que le développement de l’enfant doit se penser en terme de transformation, c’est-à-dire à la fois comme une forme de mort, et comme une renaissance.
 
Pascal Séverac est professeur de philosophie à l’Université Paris Nanterre (laboratoire IRePh : Institut de Recherches Philosophiques – UR 373). Spécialiste de Spinoza, il a publié notamment Le devenir actif chez Spinoza (Honoré Champion, 2005, rééd. en 2021) et Spinoza. Union et désunion (Vrin, 2011). Ses travaux portent également sur la philosophie de l’éducation et la philosophie de l’enfance : il a publié dans ce cadre Renaître. Enfance et éducation à partir de Spinoza (Hermann, 2021) et Puissance de l’enfance. Vygotski avec Spinoza (Vrin, 2022). Il poursuit désormais ses recherches sur le développement de l’enfant, le corps et les affects (Vygotski, Wallon, Deligny…).
 
JEUDI 14 DÉCEMBRE 2023
18h-20h, Université Paris 8, Maison de la recherche, salle A2 204
Jean MATTHYS
« Althusser lecteur de Spinoza : genèse et enjeux d’une éthico-politique de la théorie »
 
Au début des années 1960, Louis Althusser a progressivement commencé à se réclamer de la philosophie de Spinoza pour repenser les outils théoriques issus du marxisme. S’il est de notoriété publique qu’Althusser a été spinoziste, et que plusieurs de ses proches collaborateurs apporteront d’importantes contribution aux études spinozistes à partir de la fin des années 1970, ce spinozisme althussérien reste cependant encore souvent peu thématisé pour son propre compte. Comment la référence à un philosophe hollandais du XVIIe siècle en est-elle venue à s’imposer à un philosophe marxiste français de la seconde moitié du XXe ? Quels sont les enjeux et les effets, théoriques aussi bien que politiques, de cette relecture ? Et qu’a-t-elle encore à nous dire aujourd’hui ?
Cette présentation aura pour but de présenter et discuter les principaux arguments de notre thèse doctorale récemment parue aux éditions Mimesis, où nous nous sommes donné pour triple objectif de 1) reconstruire la genèse du spinozisme d’Althusser à travers ses textes de jeunesse et des documents d’archive inédits ; 2) montrer la consistance de la pensée d’Althusser des années 1960-1970 à partir des thèmes et des concepts spinozistes qui y jouent un rôle déterminant ; 3) mettre au jour les enjeux éthico-politiques trop souvent méconnus ou mal compris de ce spinozisme théoriciste d’Althusser, et dont la pertinence pour notre temps n’est pas épuisée par un demi-siècle de transformations idéologiques et de refoulement de la tradition marxiste. JM.
 
Jean Matthys est Docteur en philosophie, collaborateur scientifique à l’Institut Supérieur de Philosophie à l’UCLouvain (Belgique) et membre du Groupe de Recherches Matérialistes. Ses recherches portent sur les réceptions françaises de Spinoza en lien avec les théories et pratiques politiques marxistes au XXe siècle. Il a publié Althusser lecteur de Spinoza – Genèse et enjeux d’une éthico-politique de la théorie, Préface de Guillaume Sibertin-Blanc, Sesto San Giovanni (Italie) : Éditions Mimésis, 2023.
 
JEUDI 8 FÉVRIER 2024
18h-20h, Université Paris 8, Maison de la recherche, salle A2 204
Johan DAHLBECK
« Spinoza and ‘Exemplarism’ in Education » / « Spinoza et ‘l’exemplarisme’ en matière d’éducation »
 
On trouve chez Spinoza deux types de modèles (peut-être s’agit-il d’ailleurs de deux interprétations différentes de ce qui correspondrait le mieux à l’idée que Spinoza se fait d’un modèle). En observant et en comparant ces deux types de modèles, on pourrait conclure que l’un est pertinent d’un point de vue pédagogique, et que l’autre ne l’est pas (ou bien moins). Curieusement, celui qui n’est pas pertinent d’un point de vue pédagogique ressemble beaucoup au modèle promu par la tradition néo-aristotélicienne, à savoir une personne digne d’admiration. Dans cette tradition, l’admiration est censée être déclenchée par des individus au comportement vertueux. Ces modèles sont perçus comme suprêmement admirables parce que moralement infaillibles. Chez Spinoza, ce premier type de modèle est introduit sous la forme de « modèle de la nature humaine » (à savoir, de l’homme libre / homo liber) dans la Quatrième Partie de l’Éthique (de la proposition 66 à la proposition 72). L’autre type de modèle est faillible mais applicable en pratique en ce qu’il est affectivement en phase avec l’imagination des personnes auxquelles il s’adresse. Ce deuxième type apparaît dans le Traité Théologico-Politique, sous la forme de la dualité des « Prophètes » et des « Docteurs ». Dans cet exposé, mon objectif sera cependant de laisser de côté cette deuxième conception du modèle pour tenter d’étudier ce qui est pédagogiquement intéressant dans les modèles et dans l’exemplarité elle-même, pour ce qui concerne l’adaptation des récits collectifs, la dynamique entre l’imagination et la raison, et l’importance pédagogique d’être en phase avec les dispositions affectives, c’est-à-dire avec l’ingenium de celui à qui l’on s’adresse. JD.
 
L’exposé sera prononcé en anglais. Des exemplaires de la communication, en anglais et en français, seront distribués au début de la séance.
 
Johan Dahlbeck est Maître de Conférences en Sciences de l’éducation à l’université de Malmö, en Suède. Il est actuellement Coordinateur du programme international de maîtrise en théorie de l’éducation à l’université de Malmö et Responsable du groupe de recherches « Études pédagogiques et philosophiques de l’enfance, de l’éducation et de la société ». M. Dahlbeck est l’auteur de plusieurs monographies et articles de revues traitant de différents aspects de la philosophie de l’éducation. Parmi ses ouvrages récents : Fictionalism : The Art of Teaching Truth Disguised as Lies (Brill, 2023), Spinoza : Fiction and Manipulation in Civic Education (Springer, 2021), Education and Free Will : Spinoza, Causal Determinism and Moral Formation (Routledge, 2018) et Spinoza and Education : Freedom, Understanding and Empowerment (Routledge, 2016).
 
JEUDI 21 MARS 2024
18h-20h, Université Paris 8, Maison de la recherche, amphi MR 002
Jacques RANCIÈRE
« Une esthétique spinoziste est-elle pensable ? »
 
Spinoza ramène strictement le beau à l’agréable et celui-ci à l’utile. Et il n’hésite pas à prendre à témoins les somnambules pour dénoncer ceux qui voient dans l’art la preuve d’un pouvoir créateur de l’esprit. Son Éthique pourtant est souvent vue comme une œuvre d’art accomplie ou mise en parallèle avec telle ou telle œuvre picturale, tout spécialement celle de Vermeer, comme si l’un faisait en peinture la même chose que l’autre en philosophie. Ces rapprochements de l’art et de la philosophie négligent en général le centre de la question : quelle sorte de pensée du sensible et du rapport entre le sensible et la pensée permet à l’esthétique d’exister comme telle ? J’essaierai de montrer en quoi éthique et esthétique sont en position d’exclusion réciproque mais aussi quelles redispositions du dispositif éthique permettent de transgresser ce partage. JR.
 
Jacques Rancière a participé à la fondation de l’université de Vincennes, et enseigné jusqu’à sa retraite à l’université Paris 8 Vincennes Saint-Denis. Il est l’auteur internationalement reconnu d’une œuvre philosophique articulant politique et esthétique. Parmi ses ouvrages : La Leçon d’Althusser (Paris : Gallimard, 1975) ; La Nuit des prolétaires. Archives du rêve ouvrier (Paris : Fayard, 1981 / Hachette Pluriel, 1997) ; Le Philosophe et ses pauvres (Paris : Fayard, 1983 / Flammarion, 2007) ; Le Maître ignorant. Cinq leçons sur l’émancipation intellectuelle (Paris : Fayard, 1987 / 10/18, 2004) ; La Mésentente (Paris : Galilée, 1995) ; Le Partage du sensible. Esthétique et politique (Paris : La Fabrique, 2000) ; La Haine de la démocratie (Paris : La Fabrique, 2005) ; Le Spectateur émancipé (Paris : La Fabrique, 2008) ; Aisthesis. Scènes du régime esthétique de l’art (Paris : Galilée, 2011) ; Le Fil perdu. Essais sur la fiction moderne (Paris : La Fabrique, 2014) ; Les Temps modernes – Art, Temps, Politique (Paris : La Fabrique, 2018) ; Le temps du paysage. Aux origines de la révolution esthétique (Paris, La Fabrique, 2020) ; Les voyages de l’art (Paris : Seuil, 2023).
 
JEUDI 04 AVRIL 2024
18h-20h, Université Paris 8, Maison de la recherche, salle A2 204
Saverio ANSALDI
« Bruno et Spinoza – La puissance de l’imagination »
 
Il ne s’agira pas de s’interroger sur une éventuelle relation philologique et textuelle entre Bruno et Spinoza ou encore d’établir un rapport épochal entre la Renaissance et l’Age classique. Il s’agira en revanche de comprendre comment Bruno et Spinoza ont essayé de répondre, chacun avec leur méthode et leurs concepts, à la question posée par Bergson dans la Pensée et le mouvant  : « la philosophie devrait être un effort pour dépasser la condition humaine ». Nous estimons qu’une telle interrogation trouve son point d’application aussi bien chez Bruno que chez Spinoza dans le statut et la fonction accordés par les deux auteurs à la puissance de l’imagination. Pour Bruno, l’art de la mémoire et la magie deviennent les laboratoires philosophiques de cette véritable expérimentation anthropologique impliquant la force de l’imagination ; pour Spinoza, l’Amour envers Dieu dont il est question dans la Cinquième Partie de l’Éthique représente le lieu d’élaboration de cette interrogation bergsonienne, notamment à partir d’une confrontation approfondie avec la théorie cartésienne des passions. SA.
 
Saverio Ansaldi est Maître de Conférences HDR à l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Il a publié Spinoza et le Baroque (Kimé2001), Nature et Puissance. Bruno et Spinoza (Kimé 2006), Giordano Bruno. Une philosophie de la métamorphose (Classiques Garnier, 2010), L’imagination fantastique. Images, ombres et miroirs à la Renaissance (Les Belles Lettres, 2014), Fureurs et Mélancolie (Ens Editions 2017), Les liens de la métamorphose. Philosophie et magie de la Renaissance à l’âge classique (Kimé 2017), Giordano Bruno. L’eretico impenitente e ostinato (Mondadori 2024).
 
JEUDI 13 JUIN 2024
18h-20h, Université Paris 8, Maison de la recherche, salle A2 204
Xudong ZHENG
« Spinoza, déterministe en quel sens ? »
 
 
Organisé par : Charles Ramond, Jack Stetter, Mario Donoso, Xudong Zheng, Nicolas Mathey, Minda Liu et Heecheol Ryu, avec le soutien de l’EA 4008 LLCP.
 
Université Paris 8
2, rue de la Liberté, Saint-Denis (93). Métro Saint-Denis Université
ENTRÉE LIBRE
Se munir d’une pièce d’identité.
 

 
Illustration : Patrick Fontana, Spinoza, dessin au stylo bille, 2020.