OROZCO HIDALGO Alejandro 22.10.2021
UNIVERSITÉ PARIS 8
2, rue de la Liberté 93526
SAINT-DENIS cedex 02
AVIS DE SOUTENANCE DE DOCTORAT
(Arrêté ministériel du 25 Mai 2016)
Ecole doctorale « Pratiques et théories du sens »
Discipline : Philosophie
Alejandro OROZCO HIDALGO
Titre de la thèse :
INVITATION À L’EXPÉRIENCE D’UNE RESPONSABILITÉ PARADOXALE DANS LA PENSÉE DE JACQUES DERRIDA
Directeur de recherche :
Monsieur Charles RAMOND, Professeur des Universités, Université Paris 8, Département de Philosophie / EA 4008 LLCP
Membres du jury :
Monsieur Carlos CONTRERAS GUALA, Professeur à la Faculté de Philosophie et des Humanités de l’Université du Chili, Santiago du Chili
Madame Silvana RABINOVICH, Professeure à l’Université Nationale Autonome de Mexico
Monsieur Guillaume SIBERTIN-BLANC, Professeur des Universités, Université Paris 8, Département de Philosophie / EA 4008 LLCP
Date prévue :
Vendredi 22 octobre 2021 à 14h
Lieu :
Sis Université Paris 8
Salle des thèses - Espace Deleuze
Résumé :
Le travail de thèse développé sous ce titre est une recherche qui a comme fil conducteur la déconstruction de la notion de responsabilité et de son axiomatique. Tout le travail se donne ainsi comme tâche de développer notre interprétation de cette expression.
La première partie de cette recherche : « Déconstruction de la notion de responsabilité : ce qui arrive », commence par un exposé de la forme dans laquelle nous comprenons le terme de déconstruction. Nous avançons l’hypothèse qu’il y a au moins deux façons de comprendre ce mot, la première comme le travail de Jacques Derrida, avec ses formes, ses thématiques et sa méthodologie développée par Derrida. La deuxième comme « ce qui arrive dans le monde », indépendamment de la volonté d’un sujet particulier, individuel ou collectif. Nous donnons un certain privilège à cette deuxième acception en raison de l’oubli systématique auquel elle est soumise dans son interprétation mais aussi à cause du débat qui a lieu en France depuis la fin du XXe siècle qui aboutit au débat autour de l’expression de « responsabilité sans culpabilité ». Cette notion nous semble témoigner de la déconstruction de la notion de responsabilité qui « se passe dans le monde ».
Cette approche méthodologique établie, nous allons chercher la définition de la responsabilité que l’analyse derridienne cible, la définition juridico-égologique de la responsabilité, trouvant ses origines à l’époque de la Révolution française, avec une première apparition dans le Code Napoléon. Notre analyse repère les traits généraux de cette définition qui s’accorde à la figure du souverain que ce document établit comme sujet de droit. La définition juridico-égologique de cette notion est une définition déterminée par la figure du souverain qui est le grand responsable d’une époque marquée par le transfert de la souveraineté de Dieu, représenté dans la figure du Roi, au peuple. Notre analyse nous conduit au débat autour de la « responsabilité sans faute » qui suppose une dissociation entre la figure du souverain et la notion de responsabilité, pour voir comment il y a dans ce débat une nostalgie devant cette crise de la définition juridico-égologique de la responsabilité.
La deuxième partie de notre recherche : « Déconstruction de l’axiomatique de la notion de responsabilité », commence par poser les traits généraux d’une pensée du peut-être qui se trouve à la base de l’analyse déconstructive de la notion de responsabilité effectuée par Derrida et de comment cette pensée détermine l’expérience de la responsabilité. Cette partie développe ensuite notre interprétation du travail déconstructif que Derrida fait autour de cette notion en inscrivant les concepts d’altérité et de singularité dans la structure de la responsabilité. Notre analyse explore ici l’hypothèse que le traitement déconstructif de cette notion dans la philosophie derridienne se développe dans le cadre général d’une pensée de la responsabilité, déterminée dans ses traits les plus généraux par la critique nietzschéenne du monde moral. Ce monde moral fait de l’intention le centre organisateur de son champ et s’accorde à une idée de justice réglée à partir d’un principe de vengeance. Notre analyse suit la dissociation entre l’intention, la liberté et la responsabilité que le travail déconstructif met en œuvre à partir de la figure du tout autre. L’altérité radicale que Derrida transfère de Dieu au peuple, que nous interprétons comme le « coup de cloche du midi » annoncé par Nietzsche. Cela nous amène à l’idée de décision passive qui n’exonère d’aucune responsabilité parce qu’elle suppose une liberté, mais autre que le libre arbitre.
La troisième partie de notre recherche : « L’expérience d’une responsabilité paradoxale », effectue une lecture comparative entre les récits d’Abraham et d’Antigone. Cette lecture part de l’hypothèse que le récit d’Antigone est une autre expression de la décision passive et de l’individu singulier responsable qui devient criminel au nom d’une responsabilité plus impérative et donc inconditionnelle. Cette lecture nous permet d’interpréter le récit d’Abraham à partir de celui d’Antigone, ce qui nous amène à la considération de l’idée de désobéissance civile qui s’implique dans celle de responsabilité absolue. Nous articulons ainsi notre lecture à la distinction analysée par Derrida entre droit et justice et son intérêt pour la tentative benjaminienne de trouver une justice au-delà du droit. Notre analyse nous amène ainsi à la considération du droit de grève comme possibilité d’exercice de la violence, que le système juridique revendique comme seule instance légitimée de son exercice. De cette analyse nous tirons la conséquence que l’impératif d’obéir à la loi et l’impératif d’y désobéir partagent une même origine, et que la possibilité de refondation de l’édifice juridique se présente chaque fois qu’on applique la loi ou la norme. La ré-invention de la norme devient ainsi un impératif qui s’accorde à l’idée de réponse en tant que cette idée se détermine par la figure de l’autre.
La quatrième partie de notre recherche : « Derechef : de quoi sommes-nous responsables », part de l’idée que le traitement déconstructifque Derrida met en œuvre dans son analyse de la notion de responsabilité dissocie la figure du souverain de la notion de responsabilité, pour inscrire dans sa structure la figure du tout autre. Il s’agit d’un mouvement qui implique une révolution poétique qui suppose la possibilité de rencontre avec l’autre. Notre analyse établit ainsi que ce traitement transforme la définition de responsabilité et que cette transformation implique une réélaboration de ce dont nous sommes responsables. Cette partie suit ainsi la trace de la lecture que Derrida fait de Celan, à travers de laquelle le philosophe introduit l’idée de cette révolution poétique comme condition nécessaire pour laisser venir l’événement, c’est-à-dire pour accueillir l’altérité radicale. Notre analyse rend compte du fait que la notion de vivant s’impose comme référence inéluctable dans une pensée de la responsabilité, avant d’explorer les différentes possibilités que le travail derridien nous offre pour penser ce dont nous sommes responsable, à partir de l’expression « tout autre ».