BETANCOURT RAMIREZ Juan David 07.06.2024

UNIVERSITÉ PARIS 8
2, rue de la Liberté 93526
SAINT-DENIS cedex 02
 
AVIS DE SOUTENANCE DE DOCTORAT
(Arrêté ministériel du 25 Mai 2016)
Ecole doctorale « Pratiques et théories du sens »
Discipline : Philosophie
 
Monsieur Juan David BETANCOURT RAMIREZ
 
Titre de la thèse :
L’HYBRIDATION DE L’ÉTAT FACE AU RÉCIT DE L’ÉTAT DE DROIT
LA NORMALISATION DE L’EXCEPTION : GOUVERNEMENTALITÉ ET ENNEMI INTÉRIEUR EN COLOMBIE
 
 
Directrice de recherche :
Ninon GRANGÉ
 
Membres du jury :
Frédéric GROS
Grégory SAHO
Marie GOUPY
William GONZALES
 
Date prévue :
Le vendredi 7 juin 2024
 
Lieu :
Sis Université Paris 8
Salle A2 201
 
Résumé :
Depuis le XXe siècle et principalement dans l’après-guerre la doctrine du Rechtsstaat s’est transplantée, d’abord en Europe, après de manière transcontinentale, comme Die beste aller möglichen Staaten (« le meilleur des modèles étatiques possibles »). L’objectif de cette recherche est de réfuter la logique de sacralisation juridique, politique et historique mise sur la doctrine de l’État de droit qui aboutit à la logique de fétichisation : une logique qui pose la distinction radicale entre la norme et l’exception. Il s’agit au fond de la constitution d’un récit de l’État de droit sous les trois principes du récit selon Lyotard : il est universalisant, téléologique et légitimant. L’État est une figure doxique (Bourdieu) qu’existe de forme socio-sémiotique par la reconnaissance symbolique et la socialisation du symbolique pour s’actualiser de façon permanente sous une dynamique d’hybridation : il étatise les formes d’intellection et le monopole légitime de la force. C’est ainsi que dans le cadre de la guerre contre le terrorisme (Vigipirate en France) et l’ennemi intérieur (Sécurité Démocratique en Colombie) la norme peut devenir l’exception et l’inverse, parce qu’en réalité il n’y a pas un tel antagonisme radical mais plutôt une relation symbiotique, dont la norme existe par l’exception et l’exception existe grâce à la norme. Finalement, notre proposition est de désacraliser la doctrine de l’État de droit en évaluant ses idéalismes : comme doctrine encadrée par la présomption de rapport de causalité symétrique, de la praxis secundum legem et comme forme téléologique de l’histoire.
Cela signifie qu’avec le positivisme juridique, nous sommes à l’encontre d’une variation possible, sur la forme de décrets par exemple, du déterminisme aprioristique de la loi. Le sens du droit, au-delà de la définition constitutionnelle, est redéfini par la dimension situationnelle proposée par la logique conjoncturelle de gouvernance, de sorte que le droit devient une notion liée progressivement à la protection et la sécurisation étatique plus qu’à l’exécution des libertés constitutionnelles prescrites. La notion d’hybridation et l’analyse sur l’approche fétichiste de l’État nous ont permis de développer une notion importante pour la théorie de l’État et les analyses de la dichotomie État de droit/état d’exception : la notion de « récit de l’État de droit ». Il s’agit de l’idéalisation de la doctrine normative de l’État, particulièrement depuis la deuxième moitié du XXe siècle. Bien que la notion de récit soit très attachée à Jean-François Lyotard, je propose la notion de récit de l’État de droit avec la transplantation de la doctrine du Rechtsstaat en Europe puis dans le système onusien. Les États monarchiques se redéfinissent comme des monarchies parlementaires où « le roi règne mais ne gouverne pas » ; le principe normatif (secundum legem), le principe démocratique et la division des pouvoirs deviennent les trois piliers de la doctrine.
Cela nous amène à défendre les trois propositions suivantes :
1. Définir la nature nécessairement collective de l’État : les institutions, et plus particulièrement l’institution étatique, ne peut pas exister indépendamment d’une société. L’institution de l’État n’est ni autosuffisante ni d’une nature différente de la nature sociale dont il a besoin pour exister et s’actualiser. Concrètement, La souveraineté constitue le résultat du processus d’Étatisation permanente.
2. Définir la nature hybride de l’État en surmontant l’antagonisme entre la norme et l’exception. En effet, la norme existe par l’exception et l’exception est l’autre face de la norme. La transformation de l’oxymore de l’exceptionnalisation de la norme vers la normalisation de l’exception permet de comprendre la logique de la resémantisation. Le cas de la sécurité démocratique en Colombie ou de Vigipirate-opération sentinelle en France témoignent cette dynamique.
3. La souveraineté constitue l’effet de l’étatisation cognitive permanente, c’est-à-dire, de l’universalisation de l’intellection par la monopolisation étatique de principes de l’entendement. Il s’agit concrètement de l’officialisation (d’une langue, d’une géographie politico-administrative, d’une heure et d’un calendrier, d’un système éducatif, de la justice, d’une identité) comme condition nécessaire de l’exercice de souveraineté. Pour cela l’approche sémiotique de l’État permettra d’analyser la construction de la métareprésentation de l’État